Souvenirs du Venezuela

Le Venezuela est depuis quelques mois au-devant de l’actualité, d’une part à cause d’une grave crise économique, sanitaire et sécuritaire entrainant des manifestations qui ont été réprimées par la force faisant une centaine de morts en 2017, puis par l’exode massif actuel poussant des centaines de milliers (voire des millions ?) de vénézuéliens sur les routes vers le Pérou, la Colombie ou encore le brésil.  

Un récent article sur la Syrie sur un blog que j’adore (« one chaï »),  m’a donné l’idée de parler de ce pays où je ne pourrais pas retourner, du moins tant que la situation ne change pas.

Le Venezuela, j’y suis allé en 2005 avec ma femme, notre premier voyage ensemble et son premier voyage hors de l’Europe, un voyage qui nous a touché à bien des égards, en voici quelques souvenirs marquants.

 


Notre trajet

Dans l'ordre, Chichiriviche de la Costa : un village sur la côte caribéenne, Choroni/ Puerto Colombia : un village aux maisons coloniales colorées et un village balnéaire avec une belle grande plage, Puerto Ayacucho : une ville à la frontière colombienne, au bord de l’Orénoque d’où nous sommes partis en forêt amazonienne, Ciudad Bolivar : une grande ville à l’architecture coloniale au bord de l’Orénoque, Santa Elena de Uairen : une ville du bout du monde à la frontière brésilienne dans la Gran Sabana, Rio Caribe : une petite ville au bord de la mer Caraïbe dans la péninsule de Paria et enfin Santa Fé : un village de pêcheurs entouré de belles plages entre Puerto la Cruz et Cumana.

Une arrivée folklorique

Je le rappelle, c’était le premier voyage « hors Europe » de ma femme, elle a été servie en matière de choc culturel ! Imaginez-vous arriver au coucher du soleil, atterrir sur une piste en bord de mer Caraïbes, avec la fatigue du vol. Comme dans beaucoup d’aéroport du monde, c’est la cohue à la sortie,  les chauffeurs de taxis  officiels (ou non) et les changeurs clandestins se bousculent devant nous mais le propriétaire allemand de la posada où nous logeons est censé être là pour nous réceptionner.

 

En effet nous avons voulu éviter une nuit à Caracas qui est assez dangereuse et éviter surtout les innombrables faux taxis qui peuvent vous dépouiller dans des rues désertes en cours de route. Pour éviter tout ce stress à l’arrivée, nous logeons sur la côte dans le village de Chichiriviche de la Costa. Voici notre chauffeur Bruno (le proprio de l’hôtel où nous allons loger), après de rapides présentations et salutations, nous nous dirigeons vers un 4x4 hors d’âge, défoncé et tout poussiéreux, Fanny change de tête. Un autre choc pour Fanny c’est la moiteur tropicale, dès qu’on quitte l’intérieur climatisé de l’aéroport, on se prend un choc thermique, une trentaine de degrés avec plus de 90% d’humidité !  

 

Nous nous installons à l’intérieur, des cadavres de bière jonchent le sol et le moteur ne veut pas démarrer, pas rassurant. Après avoir ouvert le capot et trifouillé quelque chose, on démarre, visiblement il a l’habitude. On se lance dans la ville de Maiquetia qui à cette heure-ci est grouillante de monde, c’est l’anarchie sur la route et c’est une débauche de bruit. Fanny ouvre de grands yeux inquiets et surpris, elle doit se demander où elle est tombée, elle doit se dire « pourquoi je l’ai suivi jusqu’ici ? Où m’a t-il embarqué ?», c’est le choc pour elle entre la chaleur, la fatigue, le bruit, la circulation, le dépaysement. Moi j’ai l’habitude mais à chaque fois ça fait quand même son effet. Avant de sortir de la ville, Bruno s’arrête acheter des bières pour le trajet, il m’en propose de suite une et s’en ouvre une.

 

A partir de maintenant, nous avons quitté la ville, la route laisse place à une piste poussiéreuse, pas large, caillouteuse et pleine de trous et de virages à flanc de montagne, d’un côté c’est la paroi de la montagne et de l’autre le vide qui tombe dans la mer. La nuit est tombée et notre chauffeur jongle entre sa canette de bière, les clopes qu'il enchaine et son téléphone qui sonne régulièrement, tout en tenant le volant, il n’est pas très concentré sur la piste sinueuse qu’il prend à bonne vitesse, on en mène pas large.

 

Après un peu plus d’une heure de trajet, nous arrivons enfin, nous sommes épuisés, nous ne rêvons que de nous laver, de manger et de dormir. Nous finirons la soirée à manger du poisson au bord de la piscine de la très belle posada, quel début de voyage, Fanny s’en souviendra longtemps !

La côte caraïbe entre Chichiriviche et Puerto Colombia

Coucher de soleil à Puerto Colombia

Une certaine insécurité

Nous le savions avant de partir, le pays n’était pas sûr en 2005, nous étions prévenus, certaines zones et villes étaient déconseillées. Avec le recul je dois bien avouer que c’est un des pays les moins sûrs que j’ai visité jusqu’à aujourd’hui (et pourtant je suis allé au Yémen et au Pakistan !).

 

 Comme je l’ai dit précédemment, dès l’aéroport le danger est là, il y a beaucoup de faux taxis qui n’attendent qu’à dépouiller les touristes fraichement débarqués. Ils emmènent leurs victimes dans un coin désert où attendent des complices.  

 

Nous avons aussi voulu éviter Caracas qui était déjà une des villes  les plus dangereuses d’Amérique du Sud (et maintenant LA plus dangereuse du monde !), on peut s’y faire dépouiller à n’importe quel endroit de la ville et à n’importe quelle heure. C’est arrivé à une connaissance qui y est allé pas longtemps après nous, dès sa sortie du bus de nuit  à 6 heure du matin, à la fin de son voyage, il s’est fait braqué avec un flingue et s’est retrouvé en caleçon en pleine rue, une belle fin de voyage, ils lui ont tout pris.

 

Et les hôtels bon marché de Caracas sont pour la plupart des hôtels de passe, c’est pour cela que nous avons soigneusement évité d’y loger.

 

A Santa Fé, un petit village de pêcheur avec des plages superbes, nous avons bien senti aussi l’insécurité. Dès la sortie du bus, en traversant le village pour rejoindre l’hôtel, les gamins sont assez agressifs en nous criant « gringos » et « money ». Notre guide de voyage indiquait qu’il y avait eu un touriste tué à la machette quelques années avant. Je ne suis pas craintif, je me dis que ça peut arriver n’importe où. Mais ma vigilance a été mise en alerte quand la proprio de notre hôtel situé en bord de mer me prévient que si nous voulons nous balader plus loin sur la plage, il vaut mieux laisser l’appareil photo à l’hôtel, nous sommes en plein après-midi, qu’est-ce que ça doit être en pleine nuit ? Justement, dès la nuit tombée, il nous est vivement déconseillé  de nous balader dans le village, les pêcheurs sont souvent ivres et agressifs. L’arrivée d’un vigile lourdement armé à notre hôtel rajoute un peu à l’ambiance d’insécurité, ce n’est pas rassurant…

 

Et c’est un des rares pays que j’ai visité où pendant un trajet de bus de nuit, nous avons dû tous descendre en pleine nuit pour se faire fouiller soigneusement  tous les sacs et le bus par une dizaine de militaires était-ce dû à la proximité de la frontière avec le Guyana ? Nous avons eu plusieurs contrôles durant nos trajets en bus au Venezuela mais celui-là est le plus marquant.

Paranoïa

Lors d’un trajet en bus jusqu’à Caracas, en fin de voyage (nous devions nous rendre à l’aéroport), le bus stoppe en plein centre-ville au lieu de terminer dans un terminal de bus. Là stupeur, on est balancé en plein Caracas dans un quartier inconnu, je le rappelle Caracas est une ville au fort taux d’insécurité.

Dès la sortie du bus, une armée de chauffeurs de taxi s’abat sur nous, et je le rappelle, on peut se faire dépouiller par un faux taxi. Le chauffeur devant moi a beau me tendre une carte professionnelle, je lui dis qu’elle peut être fausse, que c’est un « pirata », mais comment faire pour rejoindre l’aéroport ? Le mec m’inspire, on le prend.

Pendant le trajet, sur mes gardes, je regarde bien qu’il prend la route de l’aéroport, je piste son regard à travers le rétroviseur, là je m’aperçois qu’il regarde souvent vers nous, assis à l’arrière, mes signaux d’alerte clignotent mais il nous dépose bien à l’aéroport.

Je parle à Fanny de mes soupçons infondés, elle me rétorque qu’elle s’était aperçu qu’en fait il la matait elle, elle avait un léger décolleté qui visiblement retenait toute son attention…

Ciudad Bolivar, ses maisons colorées et l'Orénoque

El Chaupi, un escarpement qui plonge dans l’Amazonie brésilienne

Des paysages à couper le souffle et une population qui aime la fête

Le pays est une destination « nature », on y trouve la forêt amazonienne, des plages tropicales de rêve sur la côte caribéenne, une plaine marécageuse immense abritant une faune incroyable (les Llanos), les hautes montagnes des Andes, le delta de l’Orénoque.  Mais le clou d’un voyage au Venezuela est la Gran Sabana (la « grande savane »), un vaste plateau au sud-est du pays, d’où se détachent les fameux tepuys, ces sommets tabulaires uniques au monde. C’est dans la Gran Sabana que l’on trouve la plus haute cascade au monde, le Salto Angel, dans le parc national de Canaima.

 

Le pays est grand, il faudrait plusieurs mois pour en faire le tour, pour en voir tous les trésors naturels, le potentiel touristique est énorme. Nous, nous n’avons fait que l’effleurer en 3 semaines de voyage.

 

 Je garde un souvenir ému d’un trek en immersion dans la foret amazonienne avec des indiens (je le raconte ICI), je garde un très bon souvenir d’une visite de plantation de cacaoyers à l’hacienda bukare dans la péninsule de Paria et que dire des belles plages de la côte Caraïbes (playa de Uva, Puy Puy, playa colorada,…)!

 

Certaines villes ont un certain cachet avec des édifices, des maisons et des centres historiques datant de l’époque coloniale espagnole. Je garde un bon souvenir de villes comme Choroni ou encore Ciudad Bolivar avec leurs maisons colorées.

 

Malgré tout ce que vous avez lu juste avant, les vénézuéliens sont très accueillants, très serviables, joyeux et fêtards, il n’y avait pas des voleurs et des criminels à tous les coins de rue, heureusement. C’est un peuple de latins très ouverts et toujours prêts à aider.

 

D’ailleurs une particularité de ce pays est  une certaine ambiance festive et métissée, peut-être est-ce dû à la côte caraïbe ? On trouve des indiens, des descendants d'espagnols et des descendants d’africains. Je me souviendrai toute ma vie de ce couple qui arrête leur voiture sur le front de mer, juste pour danser une sorte de merengue ou de salsa volume à fond venant de la voiture, entrainant d’autres personnes avec eux pour un mini bal improvisé ; puis ils sont repartis comme si de rien n’était. L’épisode a duré peut-être un quart d’heure mais m’a marqué. La musique est omniprésente, dans les bus, dans les restos, dans la rue,… attention aux décibels !

Envie d’une bière ?

             Une coco bien fraiche sur la plage !

Forêt amazonienne, indiens et tepuys


Quelques souvenirs et réflexions en vrac

L’espagnol parlé au Venezuela m’a beaucoup étonné, moi qui étais plus habitué à l’espagnol chantant  de la Bolivie ou d’Équateur. En effet l’espagnol parlé est un peu difficile à comprendre au début, il est parlé plus rapidement, l’accent est prononcé et des lettres  manquent parfois, comme par exemple « pescados » qu’ils prononçaient « pecados », où est passé le « S » ? 

 

Lors de notre visite au Venezuela, nous étions allés à la frontière avec le Brésil, à Santa Elena de Uairén. Nous avions passé une journée côté brésilien, c’était marrant de voir la longue file de voitures brésiliennes venues faire le plein côté vénézuélien car l’essence est moins chère (le pays est producteur de pétrole). Aujourd’hui c’est l’inverse, les vénézuéliens fuient leur pays pour essayer de trouver de meilleures conditions de vie au Brésil.

 

J’avais discuté avec plusieurs personnes sur Chavez, le président charismatique de l’époque, les avis étaient mitigés, certains le prenaient pour un bienfaiteur, d’autres le traitaient de dictateur.

Les bénéfices du pétrole / la manne pétrolière ne profitait pas à la population, je me souviens des vieilles voitures américaines défoncées comme on peut les voir à Cuba, et il n’y a pas de secret, si il y a de l’insécurité c’est que la pauvreté et le désœuvrement sont importants.

 

Dans un cadre plus léger, je me souviens également des « plaza Bolivar* » dans chaque bled du pays, je me souviens des terribles « puri puri », ces petits moucherons qui pourrissent la vie des touristes en les piquant au sang, je me souviens des « bus cama *», ces bus avec des sièges confortables qui s’inclinent plus que dans un avion, je me souviens de la ville de Caracas, impressionnante et effrayante, nichée dans une vallée entourée de montagnes grignotées par les bidonvilles.

 

Et niveau culinaire, nous avons fait une cure pas toujours diététique d’empenadas, d’arepas, d’hamburguezas, de perros calientes, de pescados, de pollos, de jugos*.

La belle plage de « playa grande » à Puerto Colombia

« chicas » sur la plage de Puy Puy

Coucher de soleil à Rio Caribe

Voici donc des souvenirs et des impressions qui m’ont marqué lors de notre voyage au Venezuela, ce pays nous aura marqué, nous en gardons un excellent souvenir.

 

Aujourd’hui le pays est par terre, exsangue, avec une grave crise économique, sanitaire et sécuritaire, je suis content d’y être allé car maintenant c’est très compliqué.

 

Nous espérons que le pays se remettra sur pied mais tant que Maduro et ce gouvernement  resteront au pouvoir, j’en doute…

Légende :


*Bolivar : le héros national, il y a une place Bolivar dans chaque bourgade vénézuélienne !

 

*bus cama : « bus lit »

 

*empenadas, arepas, hamburguezas, perros calientes, pescados, pollos, jugos : chaussons fourrés, pains de maïs, hamburgers, hotdog, poissons, poulets, jus

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Commentaires: 2
  • #1

    Sab (lundi, 24 septembre 2018 00:15)

    C’est bien que tu aies pu faire ça tant qu’on pouvait encore !
    Un peu trop d’insécurité pour moi, j’aime ne pas avoir à me préoccuper d’éventuelles agressions, (même si ça peut arriver n’importe où) ça rend mes vacances plus sereines, lol
    Biz

  • #2

    selamat jalan (lundi, 24 septembre 2018 10:40)

    Oui, comme pour d'autres pays, j'ai eu la chance de le visiter avant que ça dégénère. C'est assez stressant en effet d'être constamment sur le qui vive. Bises!